Everything begins with a touch. A hand searching for matter, a hesitant gesture discovering its own necessity. In the studio, the clay breathes. It resists, yields, remembers. It is there, in that hesitation between the living and the inert, that my sculptures take shape. They do not seek to represent the body, but to pass through it. They are fragments of breath, presences both fragile and insistent, reminding us that before being someone, we are alive.
I sculpt to calm anxiety, to hear, in the silence of the studio, the obstinate beating of life—between skin and matter, being and object, being and appearance. Nourished by Didier Anzieu’s Moi-peau, that sensitive boundary which protects and connects, which filters the world, my sculptures attempt to grasp what circulates between inside and outside, between self and world. They inhabit this tension: they slowly undo themselves, erode, metamorphose. In Note to Self, hands of raw and fired clay intertwine, crossed by a thin stream of water that gnaws at them. The sculpture transforms before our eyes; the form dissolves, but the presence remains. It reminds us that every living thing is destined for metamorphosis.
The body is my language. It is through it that I apprehend the world: at the height of my eyes, according to my sex, the sharpness of my hearing, the span of my hands… The hand above all—a recurring motif—tool of connection, symbol of gift. It touches, receives, acts. It links gesture to intention, thought to flesh. In the Functional Sculptures series, hands join and open onto the everyday: glazed stoneware sculpture-objects that we live with, that accompany our most ordinary gestures—placing a flower, holding a flame, cradling a fruit. These forms watch over our spaces like joyful vanitas.
For everything is connected. Maurice Merleau-Ponty wrote: “My body is made of the same flesh as the world.” It is this shared flesh that I try to make visible, the matter I touch and that touches me back. In the Alchemies series, I cast the areas of my body where tension was lodged: shoulders, neck, ribs. The resulting forms are imprints of sensations, silent evidence that a breath has passed through matter.
Emmanuele Coccia writes: “Permeability is the key word: in this world, everything is everything.” And Baptiste Morizot adds that we are part of “the fabric of the living.” This is what I explore: passage, resonance, metamorphosis. In Thétys, water trickles over moss and plaster, nourishing life at the heart of the mineral. The sculpture becomes an organism. It breathes with time.
I sculpt to inscribe in matter the trace of what escapes: breath, presence. My sculptures are bodies to be loved, silent companions. They simply remind us that life passes through us, and that before being someone, we are flesh of the world.
____
Tout commence par un contact. Une main qui cherche la matière, un geste hésitant qui découvre sa propre nécessité. Dans l’atelier, la terre respire. Elle résiste, cède, se souvient. C’est là, dans cette hésitation entre le vivant et l’inerte, que mes sculptures prennent forme. Elles ne cherchent pas à représenter le corps, mais à le traverser. Ce sont des fragments de souffle, des présences à la fois fragiles et insistantes, qui rappellent qu’avant d’être quelqu’un, nous sommes vivants.
Je sculpte pour calmer l’angoisse, pour entendre, dans le silence de l’atelier le battement obstiné de la vie, entre la peau et la matière, l’être et la chose, entre l’être et le paraître. Nourrie par le Moi-peau de Didier Anzieu, cette frontière sensible qui protège et relie, qui filtre le monde, mes sculptures tentent de saisir ce qui circule entre le dedans et le dehors, entre soi et le monde. Elles habitent cette tension : elles se défont lentement, s’érodent, se métamorphosent. Dans Note to Self, des mains de terre crue et cuite se mêlent, traversées par un filet d’eau qui les ronge. La sculpture se transforme sous nos yeux, la forme se dissout, mais la présence demeure. Elle rappelle que toute chose vivante est vouée à la métamorphose.
Le corps est mon langage. C’est à travers lui que j’appréhende le monde : à la hauteur de mes yeux, en fonction de mon sexe, de la finesse de mon ouïe, de l‘amplitude de mes mains … La main surtout — motif récurrent —, outil du lien, symbole du don. Elle touche, reçoit, agit. Elle relie le geste à l’intention, la pensée à la chair. Dans la série des Sculptures fonctionnelles, les mains s’unissent et s’ouvrent sur le quotidien : des objets-sculptures en grès émaillé avec lesquels on vit, qui accompagnent nos gestes les plus ordinaires — poser une fleur, tenir une flamme, accueillir un fruit. Ces formes veillent sur nos espaces comme des vanités joyeuses.
Car tout est lié. Maurice Merleau-Ponty écrivait : «Mon corps est fait de la même chair que le monde». C’est cette chair partagée que j’essaie de rendre visible, la matière que je touche et qui me touche en retour. Dans la série Alchimies, j’ai moulé les zones de mon corps où la tension se logeait : épaules, nuque, côtes. Les formes qui en résultent sont des empreintes de sensations, des preuves silencieuses qu’un souffle a traversé la matière.
Emmanuele Coccia dit : « Perméabilité est le mot-clé : dans ce monde, tout est tout. » Et Baptiste Morizot ajoute que nous faisons partie du « tissu du vivant ». C’est cela que j’explore : le passage, la résonance, la métamorphose. Dans Thétys, l’eau ruisselle sur la mousse et le plâtre, nourrissant la vie au cœur du minéral. La sculpture devient organisme. Elle respire avec le temps.
Je modèle pour inscrire dans la matière la trace de ce qui fuit : le souffle, la présence. Mes sculptures sont des corps à aimer, des compagnonnes silencieuses. Elles rappellent simplement que la vie passe à travers nous,
et qu’avant d’être quelqu’un,
nous sommes chair du monde.